mercredi 9 janvier 2008

Le regard de la candidate sur le Traité de Constitution Européenne

Je fais partie de ceux qui demandent un nouveau référendum sur le traité "simplifié". Il n'est pas démocratique qu'un texte refusé par les Français, soit ensuite accepté par les députés. Pour une fois que l'on nous demande notre avis par référendum, celui ci n'est pas pris en compte.
Il y aura un rassemblement le 1er février à 20h30 à Nantes, à la Manu, pour demander ce référendum.
J'ai voté non au précédent référendum, refusant que la politique libérale qui fait tant de dégâts sur la planète entière, soit gravée dans le marbre d'une Constitution.
Voilà ce que j'écrivais en 2005 :
Constitution européenne : deux photos superposées

Je viens juste de comprendre pourquoi la constitution que l’on nous propose est si mal fichue, si lourde, si peu lisible : c’est comme s’il y avait deux photos superposées sur la même pellicule.

La première photo, c’est l’héritage du passé. Rappelons-nous, l’Union européenne est née du marché commun (et même avant d’un autre organisme autour du charbon et de l’acier, si ma mémoire est bonne). Bref, l’Union européenne a démarré par l’économie, par le marché précisément. Faire fonctionner un grand marché à plusieurs pays, voilà le but du départ. Et aujourd’hui, il me semble que cet objectif est encore celui d’un bon nombre de décideurs : le marché avant tout et, puisqu’on est au XXIe siècle, ne lésinons pas, le marché libéral, hautement compétitif bien sûr puisque c’est la pensée unique d’aujourd’hui. Le texte qui nous est proposé cherche donc à conserver ce précieux héritage d’une Europe fondée sur le marché et une bonne partie de ce qui a figuré dans les traités précédents est récupérée pour être inscrite en dur dans ce texte. Puisqu’on écrit une constitution, profitons-en pour y mettre ce qui a fait notre fondement depuis le départ, profitons-en pour enfoncer le clou et rendre ce qui vient des traités précédents de plus en plus indélébile : constitutionnel (au sens propre : ce qui nous constitue).

La deuxième photo, qui se superpose à la première, c’est la volonté de poursuivre l’intégration européenne, la volonté d’aller justement au delà d’un simple marché, au delà de l’économie, et de devenir une instance politique : présidence plus conséquente, politique étrangère, affirmation de valeurs communes, politique de défense… Et pour marquer un changement en ce sens, quoi de mieux qu’une constitution commune, dans laquelle on peut affirmer tout cela pour ensuite le mettre en œuvre ?

Seulement voilà, la deuxième photo est loin d’être visible puisqu’elle se superpose à la première. Et le résultat c’est premièrement un texte qui n’a rien à voir avec une constitution (depuis quand inscrire une politique économique dans une constitution ? depuis quand écrire une constitution de plusieurs centaines de pages, non compréhensible par les citoyens sensés la respecter ?). C’est deuxièmement le maintien d’une organisation non démocratique pour légiférer et exécuter les décisions dans des domaines désormais élargis. Que la commission (non élue) soit le seul organe qui propose les lois (votées par les ministres) et qui ensuite les fait exécuter, c’est une collusion dangereuse des pouvoirs. Dangereuse pour la démocratie. C’est déjà le fonctionnement actuel sur les domaines d’intervention de l’UE, ce n’est pas pour cela qu’il est bon. Etant donné que les attributions de l’Union européenne vont s’élargir, il devient absolument nécessaire de revoir ce mode de fonctionnement. Or le texte qui nous est proposé non seulement l’entérine mais, pire, le grave dans le marbre de la constitution. Et par ailleurs, la constitution proposée sera quasi irréformable, il faudrait pour cela une double unanimité : celle des ministres des 25 pays tout d’abord, celle des peuples ensuite !

Je comprends maintenant pourquoi deux personnes de sensibilités proches vont choisir l’une de voter oui l’autre de voter non : elles ne regardent pas la même photo. On va trouver des oui motivés par le libéralisme, des oui motivés par la construction d’une Europe politique, des non de refus d’inscrire le libéralisme dans la constitution, des non vis à vis de la construction politique de l’Europe, des non motivés par le caractère non démocratique du pouvoir qui se mettra en place… A texte confus, réponses confuses, quoi de plus normal ?
Geneviève Lebouteux